Lors de l’événement CIRTA 2016 à l’Université Laval, j’ai présenté mes travaux de recherche intervention sur les badge numériques. Voici la présentation en format PDF : Badges numériques, compétences et apprentissage social dans les Living Labs et les Fab Labs.
Étiquette : Badge numérique
Participation au Fab12 à Shenzhen en Chine
Cette année, j’ai eu le privilège de me rendre au Fab 12, conférence internationale annuelle sur le mouvement des Fab Labs soutenu par la Fab Foundation, qui avait lieu à Shenzhen en Chine.
Communautique, candidature pour Fab 14
J’y étais, à titre de vice-prédisent du conseil d’administration de l’organisme Communautique, un hub d’expérimentation et de formation en innovation ouverte, situé à Montréal, Québec qui gère le premier Fab Lab reconnu par le MIT au Canada, échoFab. Nous sommes donc directement impliqués dans le mouvement au Québec, avec le réseau Fab Labs Québec.
Ainsi, avec une petite délégation, et un dossier béton, nous avons présenté la candidature de Montréal pour l’obtention de l’événement Fab 14 en 2018. Nous avons fait une courte présentation (style pitch) de 6 minutes pour faire connaitre aux participants du Fab12 notre ville et les avantages de celles-ci pour accueillir la communauté et la Fab Foundation. Notre dossier de candidature était impressionnant avec l’appuie du Maire de Montréal, Denis Coderre, du premier ministre du Québec, Philippe Couillard et le premier ministre du Canada, Justin Trudeau.
Nous avons finalement été 2es dans la course et c’est la ville de Toulouse en France qui a remporté les honneurs avec une présentation très impressionnante. Il faut dire qu’en France, il y a plus de 80 Fab Labs, 2e pays en aillant le plus dans le réseau. Par contre, je sais que nous avons eu un grand succès d’estime de la part de plusieurs personnes importantes au sein du mouvement. Nous allons réitérer l’expérience de présenter notre candidature pour les prochaines fois.
Chercheur sur les Fab Labs
J’y étais aussi comme « chercheur en résidence » avec la présentation de mes travaux de recherche intervention sur l’utilisation des badges numériques pour valoriser, reconnaître et certifier les apprentissages et les accomplissements possibles dans un Fab Lab. Malheureusement, mon atelier Codesign digital badges for Fab Labs #FAB12 n’a pas eu lieu concrètement puisque le choix des ateliers par les participants se faisait le jour même sur place. Il y avait beaucoup d’ateliers disponibles et le nombre de participants était moindre que prévu. Mais, j’ai eu l’occasion de présenter les résultats préliminaires du projet lors de ma participation à différentes tables de travail, d’ateliers ouverts et de comités de réflexion.
Lors de cette semaine d’activité, j’ai surtout eu l’occasion de rencontrer en personne plus d’une vingtaine de personnes provenant d’autant de pays différents. Autant le fondateur Neil Gershenfeld, la directrice de la Fab Foundation, Sherry Lassiter, les seniors et plus ancien du mouvement des Fab Labs, ainsi que des acteurs terrains très actifs. Communautique et des fabbers du Québec ont participé aux 3 dernières éditions de cet événement. Pour ma première fois, j’ai connecté avec plusieurs vrais fabber/fab manager mais aussi avec des acteurs plus commerciaux et académiques autour des Fab Labs. Pour Communautique, c’est une opportunité de poursuivre le développement des Fab Labs au Québec et au Canada.
Shenzhen et l’innovation technologique en Chine
La dernière journée de la semaine était consacrée à une série de conférences thématiques sur l’univers des Fab Labs et le futur. J’ai pu rapidement comprendre et confirmer que la Chine est LE joueur technologique de la planète. Ils veulent être le Sillicon Valley du Hardware (ils le sont déjà). Shenzhen, une ville qui n’était pas là il y a 30 ans, est le coeur de l’innovation technologique de la Chine, et de la planète.
J’ai eu l’occasion de visiter un édifice de 10 étages (parmi une dizaine dans ce quartier!) avec des centaines et des centaines de petits kiosques où il est possible d’acheter n’importe quelles technologies. Dernière chaque kiosque, il y a une usine de fabrication en dehors de la ville. C’est un immense marché au puce high-tech avec des vendeurs de pièces (fil, boulon, connecteur, etc.), des gadgets technologiques (clé USB, tablette, ordinateurs, caméra, écouteur, souris, etc.), des installions serveur, des imprimantes 3d, des drones, etc. Le tout disponible a des prix très bas ou dérisoires.
Presque tout ce que nous consommons comme technologie est produit en Chine et il est possible de les acheter dans ce genre de méga-centre technologique. D’ailleurs, il y a plusieurs entreprises des États-Unis, d’Europe et d’Asie qui viennent s’établir à Shenzhen pour offrir des services clé en main en design de produit (de l’idée à la production de masse). Les cycles d’innovations et de production sont beaucoup plus courts.
La Chine et l’innovation biologique
Par contre, ce qui m’a réellement fasciné et aussi décontenancé, ce sont les avancées très significatives de la Chine dans l’univers des biotechnologies, de la compréhension de l’ADN (le langage du vivant) et des manipulations génétiques. Des entrepreneurs chinois ont présenté leur technologie de séquençage de l’ADN humain à des prix infimes et à une rapidité déconcertante. Selon eux, le premier séquençage a demandé 10 ans et 1 milliard de dollars, maintenant, dans une machine grande comme un réfrigérateur, ils peuvent faire un séquençage en 12 heures pour 100 dollars. Ils ont même déjà développé un complexe pour accélérer la recherche et l’analyse des ADN afin de trouver des solutions pour le traitement des maladies, pour améliorer la santé et la longévité, l’agriculture et les technologies vertes du futur. Il y a même des avancés sur l’ADN artificielle.
Dans cette perspective, le monde des Fab Labs prend aussi ce virage avec le Bio Academy – How to Grow (almost) Anything.
Nous entrons définitivement dans un autre monde d’innovation où l’enjeu éthique du vivant est encore plus important que ceux, déjà importants, de la gouvernance des données et de la vie privée avec le numérique. La solution est certainement de développer des compétences et de rendre ces innovations compréhensibles pour les décideurs et surtout les citoyens.
Communautique à Brest au 7e Forum des usages coopératifs
En début juillet 2016, j’ai participé à la 7e édition du Forum des usages coopératifs à Brest en France. Nous étions une délégation de Communautique avec Monique Chartrand (Directrice générale) et Guillaume Coulombe (expert système de documentation) et moi-même Geoffroi Garon-Épaule (vice-président de l’association Communautique et chercheur en résidence). Cette participation est la continuité du maillage entre l’Association BUG (Rennes, France) et Communautique (Montréal, Canada).
Mardi
Lors de la rencontre pré-forum, nous avons participé à une rencontre des Fab Labs de l’Ouest avec Laurent Flamand, discuter avec les quelques Fab Labs représentés (dont UBO Open Factory, Les fabriques du Ponant, Télécom Fab). Il y en aurait près de 20 dans la région de la Bretagne. La discussion était à savoir comment soutenir ou cartographier les différentes offres disponibles sur le territoire. Par la suite, notre groupe est entré dans un autre atelier sur la thématique du tourisme pour contribuer à la séance d’idéation en apportant les espaces et la technologie des Fab Labs. Dans mon groupe, c’était des gestionnaires des bureaux de tourisme de Brest et d’une autre ville dans la région. Elles voulaient faire un « Startup Week-end » pour stimuler des idées innovantes. Je leur ai proposé d’utiliser un Fab Lab mobile sur place pour que les startups puissent aussi prototype des objets en 3D. Aussi, de faire cet événement dans un lieu plus près du tourisme, comme dans leur centre d’information ou même dans les lieux d’accueil des tourismes à Brest comme l’aéroport. Je leur ai aussi soumis l’idée d’offrir un « objet frontière » symbolique imprimé en 3D qui a un code QR ou une puce RFID qui permet de les rediriger vers un site Web ou une application.
Mercredi
C’était la conférence d’ouverture de Daniel Kaplan de la FING sur le programme « Transition2 – numérique et écologique ». C’était une conférence claire et inspirante sur les possibilités et l’obligation d’adresser les problèmes des changements climatiques. Cette méthodologie pourrait être adapté pour ce jumeler à nos processus de Living Lab et de Fab Lab de Communautique au Québec. Je lui ai parlé de nos travaux sur les systèmes sociaux numériques de Pierre-Léonard Harvey au LCA UQAM en lien avec le programme « Nos systèmes » de la FING qui visent à comprendre les boites noires informatiques des plateformes et services Web qui nous entoure par de la rétro-ingénierie. Nous allons explorer cette autre avenue dans les prochains mois.
Par la suite, nous avons rencontré notre partenaire Richard De Lagu de l’Asso BUG de Rennes pour poursuivre le maillage entre leur organisation et la nôtre. Nous avons eu une séance de travail sur l’élaboration d’un projet piloté par l’Asso BUG sur le développement de la littératie numérique par divers acteurs (étudiants, parents, personnes marginalisées, intervenants) dans la grande région de Rennes. Notre apport à ce projet, comme « chercheur en résidence » serait d’offrir notre expertise au niveau de la mise en place d’un système de badges numériques permettant de reconnaître les apprentissages à divers niveaux dans le projet. Le focus est sur les Fab Labs dans ce projet pilote. Nous aimerions intégrer notre projet de référentiel de compétence entamé au Québec dans ce projet en lien avec les travaux en web sémantique (wiki). Voire même aller vers un projet Québec/Bretage/France.
Jeudi
Nous avons participé à l’atelier « Ouvrir la boite noire des algorithmes, sans être magicien ni développeur (ou la rétro-ingénierie pour les nuls). Cette activité était animée par Simon Chignard (Etalab, donneesouvertes.info), Sarah Labelle (Etalab, ISCC, Paris 13) et Loïc Hay (La Fonderie). Nous avons exploré avec les autres participants comment la rétro-ingénierie s’impose comme le moyen de mieux comprendre le fonctionnement des algorithmes et des traitements automatisés, quand le code source n’est pas accessible. Nous avons appris comment chacun peut adopter, commencez à décrypter le fonctionnement de la boite noire, les données qu’elle utilise et les actions qu’elle produit. Cette méthodologie est en lien direct avec les travaux de recherche du LCA UQAM dirigé par le professeur Pierre-Léonard Harvey sur le design communautique et le design des systèmes sociaux numériques (social system design). Je suis chercheur et doctorant à l’UQAM et dans ce laboratoire de recherche. J’utilise cette science appliquée dans le cadre de mes études doctorales.
Vendredi
Nous avons assisté à la conférence « Comprendre, tester et critiquer les algorithmes » de Dominique Cardon (@karmacoma), sociologue français du département SENSE d’Orange labs et professeur associé à l’université de Marne-la-Vallée. Il a présenté ces travaux de recherche, des aspects importants de ses publications et a su nous présenter les défis des données numériques et leurs impacts dans nos vies.
À notre grande surprise, il n’a pas abordé le phénomène de la « blockchain », technologie permettant de décentraliser les données, qui est derrière la crypto-monnaie Bitcoin, et qui commence sérieusement à jouer un rôle transformationnel dans plusieurs autres secteurs d’activités. Nous avons entamé des travaux de recherche sur ce sujet : Technologies de confiance (blockchain), innovation ouverte et gouvernance numérique.
Par la suite, nous avons eu plusieurs discussions avec Jean-Michel Cornu, conseiller scientifique à la FING, autour de cette thématique. Nous avons réalisé avec lui deux entrevues, l’une pour les archives de l’événement et une autre pour ses travaux qui seront diffusés dans plusieurs réseaux innovateurs dans le monde.
Lundi
Nous avons visité le Fab Lab de l’UBO Open Factory avec Mathieu Cariou, Fab Manager. Après un grand tour de leur historique, de leurs projets et de leur prochaine étape, nous avons présenté le projet de wiki de gestion de Fab Lab, celui des badges numériques et des référentiels de compétences. Nous avons aussi discuté des maillages avec les universités qui ont un Fab Lab. Il en ressort que nous allons avoir des discussions pour fédérer des projets en Bretagne et dans la francophonie. Nous allons nous croiser au FAB12 à Shenzhen, Chine, en août prochain.
Ce fut une semaine très profitable pour découvrir la grande région de Bretagne, les initiatives locales et les acteurs du terrain, autant associatifs qu’académiques. Nous avons aussi pu poursuivre le développement des relations entre l’Association Bug et Communautique. De plus, notre volonté d’internationaliser nos projets autour des badges numériques et des systèmes documentaires sémantiques s’annonce bien. Un projet en France sera déposé avec nos contributions. Restons actifs pour la suite.
Maillage France-Québec : Labfab de Rennes (association BUG) et d’échofab (association Communautique)
Entre le 11 et 18 octobre 2015, j’étais à Rennes en France, avec une petite délégation du Québec de l’organisme Communautique (et son Fab Lab échoFab), pour participer à une semaine d’activités et d’échange avec le Labfab de Rennes et l’association BUG au même moment que les journées des Opportunités digitales de Rennes. J’y étais à la fois à titre de membre du conseil d’administration de Communautique et à la fois comme chercheur doctorant en communication du Laboratoire de communautique appliquée de l’Université du Québec à Montréal (LCA UQAM) sur la valorisation des apprentissages et du développement des compétences dans un Fab Lab via des badges numériques.
Après une galère pour l’arrivée hier dimanche à Rennes (bagages perdus par Air France!, demi-marathon au centre-ville), nous avons entamé notre semaine d’activités (matin, midi et soir) sur plusieurs thématiques autour des Fab Labs (modèles d’affaires, compétences et badges numériques, villes et territoires, etc.).
Notre passage à Rennes coïncidait avec les Opportunités digitales de Rennes, un festival d’activités pour valoriser des projets numériques, autant au niveau commercial que social.
Voici donc les éléments les plus marquants de mon passage en Bretagne.
Jour 1 – Accueil, visite des lieux et modèle d’affaires
Le matin, nous avons été accueillis par l’équipe de l’association BUG qui œuvre dans les transformations sociales et numériques depuis près de 20 ans.
« Elle participe à l’émergence et à l’expérimentation d’organisations économiques et sociales alternatives. Elle accompagne également l’évolution des dispositifs de soutien du monde associatif et de l’économie sociale. L’association souhaite plus largement mettre son expertise et ses valeurs de créativité, d’innovation, de solidarité et d’humanisme, au service de l’utilité sociale. »
Nous avons eu l’occasion de faire une visite des installations de la Maison des associations-Citédia de Rennes.
Par la suite, nous avons eu une discussion avec l’équipe de l’association BUG qui nous a présenté l’ensemble de leur activités et une partie de leur modèle d’affaires.
Jour 2 – Modèle économique des Fab Lab et présentation des badges numériques
En matinée, nous avons poursuivi nos discussions sur les modèles d’affaires des Fab Labs et de l’impression 3D. Le Lab Fab de Rennes a présenté plusieurs projets avec, entre autres, des approches éducatives pour les enfants, les familles, l’apprentissage du code sur des objets connectés et les jeux (Minecraft). Nous avons fait le parallèle avec le développement du modèle d’affaires de Communautique et de son Fab Lab avec le découpage d’une année d’activité par une centaine de journées éducatives (sensibilisation carrière science et technologie, intégration sociale).
En après-midi, j’ai présenté les badges numériques comme outils de valorisation des apprentissages non formels dans un Fab Lab. Voici la présentation :
L’équipe de l’association BUG et du LabFab ont trouvé l’idée intéressante. Il y aura de suite à cette rencontre pour proposer de créer un référentiel de compétences.
Jour 3 – Silver Economy et handicap
L’équipe de Communautique a présenté 2 ans de ses travaux sur le la silver economy, soit les personnes âgées. En tant que Living Lab, c’est à travers des rencontres avec les projets Miriade en Normandie et le living lab Silver Normandie, que l’équipe de Communautique a exploré l’idée et lancé un chantier appelé Matière grise (aussi ici). Plusieurs projets à venir comme des résidences intergénérationnelles, des ateliers de création d’objets innovants (prototypage).
Jour 4 – Fab Lab et ville intelligente et numérique de Rennes
Présentation des travaux et activités de l’association BUG et du Labfab de Rennes dans le contexte des Fab labs et des Espace public numérique (EPN). Pour eux, les facteurs d’attractivité des quartiers passent par ce nouveau genre d’espace qui permettent la réappropriation de la ville par les habitants. Ça permet la coconstruction et le design de la ville. Selon Richard De Logu, directeur de l’association BUG, « le Fab Lab est l’équipement de proximité du futur« . Le concept du Lab étendu (fabcity) permet d’adresser des défis concerts et de passer du bricolage aux expérimentations. Ils nous ont parlé du projet de Capteur citoyen de Rennes. (www.citoyenscapteurs.net)
Jour 5 – Wiki sémantique et réseau de Fab Labs
Guillaume Coulombe, de Procédurable et de Fab Labs Québec, à présenté l’utilisation des wikis sémantiques pour la documentation ouverte des projets. Les forces des bases des connaissances avec des wikis sont qu’ils permettent de mieux documenter des projets, des architectures de projet et de diminuer la complexité de la gestion des connaissances. Ils permettent aussi de baisser les coûts de transaction informationnelle. L’utilisation des wiki dans améliorent les compétences au niveau de la sécurité, de la documentation des équipements, des opérations, des produits, et des procédures. Permets des suivis d’incidents et au final de créer de la confiance.
Le 6e jour, nous avons eu l’occasion de faire un peu de tourisme dans la région, soit de voir St-Malo, de manger à Cancale des huîtres incroyables et de visiter le Mont-Saint-Michel. J’aime la Bretagne!
Mon bilan est que nous avons des réalités assez similaires au niveau de nos activités, de nos besoins financiers et de notre légitimité dans nos villes et territoires respectifs. Ce maillage est très bénéfique pour la poursuite de nos activités et l’avancement du mouvement des Fab Labs dans la francophonie et dans le monde. Il y aura très certainement des projets conjoints dans un futur proche.
L’usage des badges numériques dans le monde académique, en milieu de travail et dans la société
Depuis un an, je m’intéresse au phénomène des badges numériques. J’ai eu l’opportunité de publier deux articles sur le sujet dans le bulletin de septembre 2015 de l’Observatoire compétences-emplois de l’UQAM.
Dans le premier article Les badges numériques et la révolution de l’apprentissage, j’ai présenté l’origine, l’utilité et le fonctionnement des badges numériques.
Voici le deuxième article en version intégrale
Depuis quelques années, les badges numériques ont le vent dans les voiles dans l’univers de la reconnaissance de l’apprentissage et des compétences. Les badges numériques sont des représentations visuelles en ligne, utilisés pour motiver les apprenants et reconnaitre les apprentissages ou valider et certifier des compétences en situation d’apprentissage formel, informel ou non formel. Dans cet article nous présentons les usages des badges numériques dans les trois mondes de l’apprentissage tout au long de la vie que sont l’école, le travail et la société.
Le monde académique
Le phénomène des badges numériques amène les établissements du monde académique à revoir leur manière de faire au niveau pédagogique (pour la motivation), technologique (pour suivre la progression des élèves) et organisationnel pour repositionner le rôle de l’école dans la communauté. Les expérimentations pullulent. En voici des exemples.
Les écoles
Les écoles primaires et secondaires utilisent les badges comme outils d’accompagnement et de motivation des élèves. Elles s’en servent aussi pour personnaliser l’apprentissage, faciliter la gestion de classe et soutenir des approches pédagogiques par compétences ou par projets.
En Angleterre, Makewav.es met à la disposition des élèves et des enseignants un réseau social sécuritaire. Il s’agit d’une plateforme Web qui offre des espaces de création d’activités pédagogiques permettant l’utilisation de badges numériques comme outils de valorisation des apprentissages. Plus de 65 000 étudiants et 10 000 enseignants utilisent Makewaves sur une base régulière. Il y a aussi des partenaires externes qui peuvent développer des projets spéciaux. Le projet SAFE sur l’acquisition de comportements sécuritaires sur Internet en est un exemple.
Au Québec, l’entreprise Scolab a développé la plateforme francophone Netmaths, un outil d’aide au devoir qui permet aux élèves de pratiquer et de développer leurs compétences en mathématiques de façon autonome. Netmaths est utilisé par plus de 325 000 élèves et des milliers d’enseignants québécois. Elle offre une banque de plus de 10 000 situations d’exercices supportées par des badges de connaissance comprenant plusieurs niveaux, des badges de compétences transversales (communication, coopération, pensée créatrice) et des badges d’accomplissement selon le nombre de missions effectuées. Précisons que Scolab est un précurseur dans l’utilisation du format standard de badge ouvert (Open badge) de Mozilla. Depuis, l’entreprise a percé le marché américain avec le même service sous le nom de Buzzmath.
Un autre exemple québécois, Classcraft, une plateforme de jeu de rôle pour accompagner l’apprentissage en classe. Les élèves incarnent un personnage fictif d’inspiration médiéval (guérisseur, mage ou guerrier) ayant des pouvoirs spécifiques et ils doivent accomplir des tâches en classe pour recevoir des points en solo ou en équipe. Le projet a été créé par un enseignant de physique qui cherchait un moyen pour stimuler les interactions en classe tout en augmentant le niveau de la collaboration entre les élèves. La plateforme permet d’améliorer la motivation, les performances académiques et les savoir-être comme la collaboration, l’empathie et le leadership tout en soutenant la gestion de classe. En juillet 2014, plus de 7 000 enseignants provenant de 50 pays avaient adopté cette plateforme.
Les collèges et les universités
Les diplômes traditionnels vont demeurer essentiels au processus d’évaluation et de certification, mais ils seront bonifiés par les badges numériques. Les badges deviennent complémentaires au format traditionnel des programmes et des cours (cocurriculum) en permettant d’augmenter la reconnaissance d’apprentissages et de compétences réalisés lors d’activités connexes, en classe et à l’extérieur. Voici d’autres exemples d’utilisations : protéger l’intégrité et la réputation des certifications émises par les institutions en resserrant la gestion de l’identité des diplômés; permettre aux étudiants de choisir plus efficacement les programmes et les cours en lien avec leurs intérêts et les besoins du monde du travail; offrir aux étudiants un environnement de gestion de carrière et de formation continue tout au long de leur vie. Plusieurs universités ont entamé des projets d’implantation de système de badges. Voici quelques exemples.
Aux États-Unis, l’Université Purdue a été la première à développer un système d’apprentissage qui intègre les badges numériques. Ce système offre un environnement complet d’accompagnement aux professeurs pour la création de contenus et l’utilisation d’une plateforme techno-pédagogique. Les badges numériques permettent aux professeurs de mieux suivre la progression des étudiants et à ceux-ci, de mieux voir leur parcours d’apprentissage.
L’Université Davis California a testé un système de badges dans un programme sur l’agriculture durable et les systèmes alimentaires. Les badges ont été utilisés pour favoriser le développement de compétences essentielles telles que la pensée systémique, les méthodologies d’expérimentation, la compréhension des valeurs et la communication interpersonnelle.
D’autres universités ailleurs dans le monde ont expérimenté les badges numériques tels que l’UniversitéBeuth en Allemagne avec ProfilPass, un système de reconnaissance des acquis et des compétences destinés aux étudiants étrangers. Ils ont aussi développé une version de ProfilPass pour les 12-18 ans permettant l’accompagnement et l’orientation de carrière pour les jeunes.
Plus près de nous, au Canada, l’Université de Colombie-Britannique a été une des premières à expérimenter l’utilisation de badges numériques en déployant trois projets pilotes en droit et jeux vidéo, en éducation et en compétences numériques. Depuis, ils ont documenté leur processus de création de badges numériques, autant sur les volets organisationnel, pédagogique que celui du design.
Au Québec, le Cegep à distance a exploré la création d’un cours de biologie en mode MOOC en y ajoutant des badges numériques qui balisent le parcours d’apprentissage. Ils poursuivent l’expérience, en 2015, avec un cours portant sur la gestion des finances personnelles.
Le milieu du travail
Pour l’entreprise, les badges numériques viennent en support à la fonction RH comme outil de gestion des talents et du capital humain. Pour les travailleurs, les badges numériques offrent la possibilité de maîtriser leur parcours professionnel et de communiquer leurs compétences. Ils permettent aussi à ceux qui obtiennent une certification d’acquisition de compétences, de la communiquer à l’interne, sur leur propre site Web, sur les réseaux sociaux professionnels (comme LinkedIn) et à travers les médias sociaux (comme Facebook, Twitter, etc.).
Le recrutement
Pour jauger de la pertinence des candidatures pour un poste donné, les responsables RH avaient à leur disposition, jusqu’à récemment, que le curriculum vitae accompagné de références « disponibles sur demande » qu’il leur fallait contacter pour obtenir des informations sur les compétences des candidats. Les badges numériques simplifient et enrichissent cette opération en permettant aux recruteurs, internes et de plus en plus externes, de prendre connaissance et de valider plus rapidement les compétences des candidats. Dans un avenir rapproché, ils permettront de filtrer les candidats sur des compétences plus difficiles à vérifier, comme le leadership, la communication, la collaboration, soit les savoir-être (Soft skill). Par exemple, obtenir un badge numérique sur la compétence de « leadership » décerné par un centre de formation professionnelle avec des preuves en ligne permettrait de sélectionner plus efficacement les bons candidats pour la poursuite du processus d’embauche avec les entrevues, les tests psychométriques et les simulations.
La formation et le développement professionnels
Les badges numériques permettent de rendre les parcours de formation visibles dans l’entreprise et d’accompagner les employés dans leurs choix de spécialisation. C’est aussi un outil d’évaluation des compétences manquantes du personnel. Voyons quelques exemples.
IBM offre un exemple éloquent avec son programme de badges numériques, l’entreprise permet auxtravailleurs du secteur des technologies de l’information (TI) de se former, d’obtenir des certifications et de les diffuser sur les médias sociaux. Pour ce faire, IBM s’est associé à des partenaires de contenu comme Bigdata Universiy qui offrent des formations spécialisées dans le domaine. Pour IBM, c’est une manière de développer les compétences de ses employés, mais c’est aussi l’occasion d’identifier et d’attirer les meilleurs talents.
Dale Carnegie Training entreprise internationale de formation à distance des travailleurs, a transformé l’ensemble de ses formations continues en y ajoutant des badges numériques. Le contenu de leurs formations est aligné sur les standards de plusieurs secteurs d’activités et professions (la norme PMI pour la gestion de projet par exemple). De plus, ils ont regroupé des compétences en « kit » via des formations plus longues et les badges facilitent la compréhension et la communication de ceux-ci. Par exemple, la formation Time management d’une durée de 12h permet d’obtenir trois badges, soit : Cool Headed, Leader et Organized Professionnal.
Le National Retail Federation aux États-Unis a remplacé les certificats de formation et de compétences en format papier ou PDF par des badges numériques. Il est plus facile de valider l’authenticité de la certification puisque l’information est cryptée pour chaque apprenant sur le site Web officiel de l’organisation.
Plus près de nous au Québec, l’initiative du CADRE 21 (Centre d’animation, de développement et de recherche en éducation pour le 21e siècle) développe entre autres une plateforme de formation continue pour les enseignants. La plateforme permettra d’accompagner et de certifier l’acquisition de connaissances et le développement de compétences sur différents volets du rôle professionnel des enseignants avec un système de badges numériques. Trois niveaux de badges seront disponibles (explorer, expérimenter, intégrer) sur les compétences TIC (intégration technopédagogique), la gestion de classe (différenciation, troubles d’apprentissage) et les stratégies pédagogiques (classe inversée, ludification, etc.).
La mobilisation des employés
Les badges numériques sont aussi utilisés dans les réseaux sociaux d’entreprises (social business) pour motiver et mobiliser les employés. La plateforme de Herd Wisdom une entreprise québécoise, offre un bel exemple de cet usage. Grâce à des fonctionnalités ludiques – par exemple, il est possible pour un travailleur de participer à des concours internes, de collaborer à résoudre des problèmes et de faire du maillage plus social selon ses intérêts – l’entreprise souhaite hausser la productivité, stimuler la créativité et l’innovation et diminuer le taux de roulement des employés.
La société
Les apprentissages sont partout possibles, ailleurs que dans le monde académique et celui du travail. Le plus souvent, ils sont de l’ordre du non-formel et de l’informel. L’apport des badges numériques est ici de mettre en valeur et de rendre visibles les compétences acquises lors, par exemple, d’activités de bénévolat et d’éducation populaire. Ils contribuent ainsi à donner un sens et une valeur d’échange réelle à ce que l’on apprend tout au long de la vie.
Parmi les nombreux exemples d’organismes en éducation populaire, le mouvement des scouts à travers le monde fait figure de pionnier dans l’utilisation d’un système de badges sur leur vêtement pour reconnaître l’acquisition de compétences et d’accomplissements comme « premier soins, natation, pêche, camping, etc. ». Avec plus de 100 ans d’histoire et d’expérience, ils ont su s’adapter aux nouvelles compétences du 21e siècle avec des badges sur les « technologies numériques » et sur la « robotique » . Dans les deux cas, les exigences et critères sont impressionnants pour obtenir les badges. Les scouts des États-Unis ont annoncé en 2015 qu’ils allaient transposer les badges en tissus dans un format de badges numériques dans un avenir proche.
Les villes apprenantes
Selon la Déclaration de Pékin sur la création des villes apprenantes par l’UNESCO en 2013 une ville apprenante mobilise les ressources humaines et autres pour promouvoir un apprentissage intégrateur de l’éducation de base à l’enseignement supérieur; elle ravive l’apprentissage au sein des familles et des communautés; elle facilite l’apprentissage pour l’emploi et au travail; elle étend l’usage des techniques modernes d’apprentissage; elle accroît la qualité de l’apprentissage; et elle favorise une culture de l’apprentissage tout au long de la vie.
Aux États-Unis, le mouvement des badges numériques a investi l’univers des villes apprenantes via le programme Cities of learning qui a pour objectif de transformer les villes en véritables réseaux d’apprentissage et en campus à ciel ouvert. Le concept est simple : tous les organismes qui offrent des opportunités d’apprentissage sont répertoriés sur une plateforme où les citoyens peuvent choisir des activités selon leurs intérêts. Ils cumulent ainsi des badges numériques qui rendent visibles leurs apprentissages et leurs réussites.
La ville de Chicago, avec son projet Chicago City of learning est la première ville à avoir fait l’expérience de cette approche innovante. Aujourd’hui, leur plateforme répertorie plus de 2 500 activités classées par sujet dans le domaine des arts, de la science, des médias, du sport, de l’informatique, etc.
Les espaces d’innovation
Depuis près de 10 ans, de nouveaux espaces d’innovation et d’expérimentation se développent. Les laboratoires d’innovation ouverte et de design collaboratif (Living Lab) et les espaces de fabrication numérique (MakerSpace, Fab Lab) comme l’impression 3D, la découpe laser et la robotique sont des exemples. Au Québec, l’espace échoFab de l’organisme Communautique, est le premier Fab Lab reconnu par le MIT au Canada. Il innove avec des projets de recherche et d’expérimentation sur l’acquisition des compétences du 21e siècle via des activités et des formations. Les badges numériques peuvent contribuer à la valorisation des compétences comme la pensée design (design thinking), le prototypage et la collaboration dans le codesign de solutions.
Formation en ligne nouvelle génération
Les technologies du Web (partage de vidéos, vidéoconférences, réseaux sociaux) et celles de la mobilité (téléphone intelligent, tablette) ont permis l’émergence de nouveaux moyens de formation. Les badges numériques y sont utilisés pour reconnaître la participation à ces formations. L’exemple des MOOC (cours en ligne gratuits et ouverts) offerts par d’éminents professeurs ou par des experts est le plus connu.
L’organisation Mozilla a créé Webmaker, un programme de formation en ligne qui permet de développer les 15 compétences de la littératie Web nécessaires pour lire, écrire et échanger sur le Web. L’objectif de Mozilla est de rendre l’univers du Web plus ouvert et mieux maîtrisé par tous les citoyens. Webmaker utilise un système de badges numériques pour reconnaitre l’apprentissage des compétences Web. Le programme offre aussi des badges pour ceux qui veulent devenir formateurs Web. Par exemple, le badge « Teaching Kit Remixer » est octroyé aux personnes qui ont utilisé, adapté et redistribué les outils d’enseignement de Webmaker.
La plateforme Wixx de l’organisme Québec en forme vise à motiver les jeunes à bouger et à faire de l’activité physique. Ils utilisent un système de badges numériques qui permet de cumuler des points, de participer à des tirages et d’obtenir des prix. Les jeunes peuvent récolter plus de 90 badges, soit par des missions ou en participant à des événements. Pour les obtenir, ils doivent déposer une preuve d’accomplissement au moyen de photos et de vidéos affichées sur leur profil. Par exemple, un jeune qui fait la mission d’apprendre à faire des acrobaties avec une trottinette freestyle dans un skateparkdoit s’exercer, se filmer et partager la vidéo comme preuve d’accomplissement pour obtenir le badge.
Khan Academy une organisation à but non lucratif a développé une plateforme d’apprentissage gratuite pour tous. En 2006, M. Khan, professeur américain, a utilisé YouTube pour offrir des capsules pédagogiques sur des notions de mathématiques. Depuis ce temps, plusieurs autres disciplines (science, informatique) sont disponibles sur la plateforme, et cela dans plusieurs langues. Un système de badges numériques y est utilisé pour motiver et suivre la progression des apprenants. La plateforme s’adresse plus spécifiquement aux jeunes, de la maternelle au secondaire, mais les parents peuvent aussi se créer un profil, faire les exercices et se connecter avec leurs enfants.
Plus récemment, Duolingo une entreprise née en 2012, offre un service gratuit d’apprentissage des langues via une application mobile. Elle compte aujourd’hui plus de 100 millions d’utilisateurs. Elle utilise un système de badges numériques pour motiver les apprenants, donner à voir la progression des apprentissages et confirmer l’obtention des compétences acquises. En 2014, ils ont lancé le service Duolingo Test Center, un service rapide de certification à distance avec des procédures d’authentification sécuritaires, en corrélation avec les standards, pour un coût modique (20$ au lieu de 200$). Selon une étude indépendante, l’utilisation de 34 heures (en moyenne) de la plateforme Duolingo serait l’équivalent d’un semestre d’apprentissage d’une langue (cours traditionnel de 45 heures). Rapport Duolingo Effectiveness Study.
Même la reconnaissance d’apprentissages par les pairs via des badges numériques est envisageable à travers des plateformes en ligne comme le permet le service de maillage entre apprenants de l’entreprise e-180 de Montréal. Sur cette plateforme, une personne affiche ce qu’elle veut transmettre comme connaissance et ce qu’elle cherche à apprendre. Par la suite, les personnes peuvent entrer en relation en consultant la banque d’offres et de demandes. Par exemple apprendre à jouer de la guitare, créer son site Web, voyager en Europe à peu de frais, tondre son chien, etc. Les deux personnes se fixent alors un rendez-vous pour une rencontre d’une heure de partage et d’apprentissage entre pairs.
Les badges numériques comme outils de reconnaissance des apprentissages tout au long de la vie concrétisent les utopies des penseurs du 20e siècle sur l’éducation, l’apprentissage et l’accès à la connaissance. Pensons aux arbres de connaissances et à l’intelligence collective de Pierre Lévy, à l’homme symbiotique de Joël de Rosnay, à Cyberespace et communautique de Pierre-Léonard Harvey; ces penseurs visionnaires ont anticipé le XXIe siècle et ceux et celles qui les ont lu dans les années 90 pouvaient difficilement imaginer comment ces rêves généreux prendraient forme.
L’article sur le site de l’observatoire : L’usage des badges numériques dans le monde académique, en milieu de travail et dans la société