C'est à travers la découverte du discours de Michel Serres sur les nouveaux défis de l'éducation intitulé Petite Poucette présenté et repris de belle façon par Martin Lessard que j'ai été m'instruire de sa pensée. Je trouve que la perspective lancée par Michel Serres représente bien l'homme de l'histoire des sciences, un visionnaire lucide de nos époques. Quelques extraits d'intérêts :
"Il ou elle n’a plus le même corps, la même espérance de vie, n’habite plus le même espace, ne communique plus de la même façon, ne perçoit plus le même monde extérieur, ne vit plus Séance solennelle « Les nouveaux défis de l’éducation » Mardi 1er mars 2011 dans la même nature ; né sous péridurale et de naissance programmée, ne redoute plus la même mort, sous soins palliatifs. N’ayant plus la même tête que celle de ses parents, il ou elle connaît autrement."
"Objectivé, certes, mais, de plus, distribué. Non concentré. Nous vivions dans un espace métrique, dis-je, référé à des centres, à des concentrations. Une école, une classe, un campus, un amphi, voilà des concentrations de personnes, étudiants et professeurs, de livres, en bibliothèques, très grande dit-on parfois, d’instruments dans les laboratoires… ce savoir, ces références, ces livres, ces dictionnaires… les voilà distribués partout et, en particulier, chez vous ; mieux, en tous les lieux où vous vous déplacez ; de là étant, vous pouvez toucher vos collègues, vos élèves, où qu’ils passent ; ils vous répondent aisément."
"Face à ces mutations, sans doute convient-il d’inventer d’inimaginables nouveautés, hors les cadres désuets qui formatent encore nos conduites et nos projets. Nos institutions luisent d’un éclat qui ressemble, aujourd’hui, à celui des constellations dont l’astrophysique nous apprit jadis qu’elles étaient mortes déjà depuis longtemps."
Il est un temps près de nous où les mutations seront révélés et vont chambouler dramatiquement radicalement nos sociétés.
Sir Ken Robinson
Dans une continuité des penseurs qui veulent nous faire initier un changement de vision, il y a aussi Sir Ken Robinson avec son discours sur le changement nécessaire du paradigme dans lequel nous éduquons nos enfants et les adultes à notre époque. Pour lui, nos institutions détruisent la créativité des citoyens.
Cette vidéo-présentation fait une démonstration éloquente de ce besoin essentiel et urgent de changer notre perspective et notre point de fuite comme société au niveau de l'éducation.
C'est un texte extrêmement porteur de sens pour l'avenir, notre avenir à tous. Ce long texte se lit et s'ingère disons difficilement. Non pas que le vocabulaire soit difficile, c'est plutôt la profondeur de la pensée qui en ressort qui nous force à lire et relire des paragraphes. Les titres des chapitres montrent bien l'ampleur de la pensée :
Il y a sept savoirs « fondamentaux » que l’éducation du futur devrait traiter dans toute société comme dans toute culture, sans exclusive ni rejet, selon modes et règles propres à chaque société et chaque culture.
Chapitre I – Les cécités de la connaissance : l’erreur et l’illusion
Chapitre II – Les principes d’une connaissance pertinente
Chapitre III – Enseigner la condition humaine
Chapitre IV – Enseigner l’identité terrienne
Chapitre V – Affronter les incertitudes
Chapitre VI – Enseigner la compréhension
Chapitre VII -L’éthique du genre humain
Il termine sa pensée avec ce texte qui pousse à agir immédiatement :
Alors que l’espèce humaine continue son aventure sous la menace de l’autodestruction, l’impératif est devenu : sauver I’Humanité en la réalisant.
Certes, la domination, l’oppression, la barbarie humaines demeurent et s’aggravent sur la planète. Il s’agit d’un problème anthropo-historique fondamental, auquel il n’y a pas de solution a priori, mais sur lequel il y a des améliorations possibles et que seul pourrait traiter le processus multidimensionnel qui tendrait à civiliser chacun de nous, nos sociétés, la Terre.
Seules et conjointement une politique de l’homme, une politique de civilisation, une réforme de pensée, I’anthropo-éthique, le véritable humanisme, la conscience de Terre-Patrie réduiraient l’ignominie dans le monde.
Encore pour longtemps l’épanouissement et la libre expression des individus constituent notre dessein éthique et politique pour la planète ; cela suppose à la fois le développement de la relation individu <-> société dans le sens démocratique et le développement de la relation individu <-> espèce dans le sens de la réalisation de I’Humanité ; c’est-à-dire que les individus demeurent intégrés dans le développement mutuel des termes de la triade individu <-> société <-> espèce. Nous n’avons pas les clefs qui ouvriraient les portes d’un avenir meilleur. Nous ne connaissons pas de chemin tracé. « El camino se hace al andar »la (Antonio Machado). Mais nous pouvons dégager nos finalités : la poursuite de I’hominisation en humanisation, via l’accession à la citoyenneté terrestre. Pour une communauté planétaire organisée : telle n’est-elle pas la mission d’une véritable Organisation des Nations Unies ?
Aussi, Edgar Morin nous offre, en 2011 un nouvel essai intitulé La voie. C'est une vision inspirante et grandiose des métamorphoses à venir dans notre humanité. Et c'est définitivement par l'éducation des citoyens-terriens que la nouvelle renaissance arrivera. Voici le quatrième de couverture du livre.
"Le vaisseau spatial Terre, continue à toute vitesse sa course dans un processus à trois visages : mondialisation, occidentalisation, développement.Tout est désormais interdépendant, mais tout est en même temps séparé. L’unification techno-économique du globe s’accompagne de conflits ethniques, religieux, politiques, de convulsions économiques, de la dégradation de la biosphère, de la crise des civilisations traditionnelles mais aussi de la modernité. Une multiplicité de crises sont ainsi enchevêtrées dans la grande crise de l'humanité, qui n'arrive pas à devenir l'humanité.Où nous conduit La Voie suivie ?Vers un progrès ininterrompu ? Nous ne pouvons plus le croire. La mort de la pieuvre totalitaire a réveillé la pieuvre des fanatismes religieux et stimulé celle du capitalisme financier. Elles enserrent de plus en plus le monde de leurs tentacules. La diminution de la pauvreté se fait non seulement dans un accroissement de bien-être matériel, mais également dans un énorme accroissement de misère.Allons-nous vers des catastrophes en chaîne ? C’est ce qui paraît probable si nous ne parvenons pas à changer de voie.Edgar Morin pose ici les jalons d’une « Voie » salutaire qui pourrait se dessiner par la conjonction de myriades de voies réformatrices et nous conduire à une métamorphose plus étonnante encore que celle qui a engendré les sociétés historiques à partir des sociétés archaïques de chasseurs-cueilleurs."
McKinsey publie aujourd'hui un rapport sur l'impact d'Internet sur l'économie et l'emploi en France. Le site officiel de présentation des résultats, http://internet-impact.fr/.
Ce rapport démontre que l’impact d’Internet dans l’économie française est élevé : plus que le secteur de l’énergie ou encore celui du transport, Internet contribue à hauteur de 60 milliard d’euros au PIB français. Au delà de cette contribution directe, Internet est responsable d’un quart de la croissance française entre 2004 et 2009. McKinsey estime qu’en 2015 la part du secteur Internet dans le PIB français pourrait s’élever à 5,5%, contre 3,2% aujourd’hui. Internet est donc un véritable vecteur de création de valeur, essentiel pour dynamiser la croissance française.
Outre les données intéressantes du rapport, je m'intéresse à deux indices développées par la firme McKinsey, soit l'indice de connectivité "e3" et l'indice d'intensité Web.
L'indice e3 de McKinsey
L'indice e3 permet de mesurer la "connectivité Internet" d'un pays et son positionnement par rapport aux autres pays de l'OCDE.
Il repose sur 3 piliers :
e-ngagement : mesure l'usage d'Internet à la fois par les particuliers, les entreprises ou l'administration publique.
e-nvironnement : mesure la qualité de l'infrastructure, son débit et la pénétration Web dans les foyers.
e-dépenses : mesure les dépenses réalisées sur Internet (publicité, e-commerce).
Les "intensités Web des différents iliers sont calculées à partir de 17 indicateurs (Network Readiness Index du WEF Global Information Technology Report). Voici un tableau qui présente la composition de l'"indice e3"
Et voici le résultat présenté dans l'étude pour les pays de l'OCDE :
On voit que le Canada est parmi les meilleurs, mais nous payons toujours trop cher pour nos services Internet !
L'indice d'intensité Web de McKinsey
Cet indice prend en compte 2 dimensions, soit le nombre d'outils ou technologies Internet adoptés par une entreprise (messagerie électronique, site Web, Intranet, Extranet, technologie du Web 2.0, etc.) et le taux de pénétration de chacun de ces outils (nombre d'employés, de clients ou de fournisseurs ayant accès à ces technologies).
On constate que près de 50% des entreprises ont une intensité Web faible (moins de 20%), ce qui confirme en partie le retard des PME en France. Même constat au Québec : voir le cahier du savoir-faire Web intitulé Sites Web efficaces en affaires.
Dans le rapport, il y a 3 recommandations importantes et qui s'appliquent très bien au Québec à mon avis.
Renforcer l'infrastructure et développer l'usage d'Internet
Créer un environnement favorable au développement du secteur producteur des TIC
Renforcer l'adoption des technologies au sein des PME pour réduire la fracture numérique régionale
Au Québec, nous avons aussi un défi important pour que les PME soient en mode Internet et plus globalement en mode numérique. De là encore la nécessité de se doter d'un plan d'action numérique pour le Québec.
« Artur Serra est directeur adjoint de la Fondation I2CAT qui gère les réseaux à très haute vitesse en Catalogne et est directeur de la recherche au Citilab de Cornellà situé en banlieue de Barcelone. Le projet I2CAT a débuté en 1999 et fut l’un des premiers programmes européens consacrés à l’avenir d’Internet. Il a reçu un Ph. D. en anthropologie de l’Université de Barcelone après avoir complété trois ans de travaux et d’études sur la culture du design à l’Université Carnegie Mellon. Il est aussi l’un des membres fondateurs du regroupement européen des (Open Living Labs). En 2006, il a démarré le projet Anella Cultural, un anneau culturel reliant par fibre optique cinq villes catalanes et plusieurs organisations culturelles importantes de Barcelone. Ce projet a été étendu à l’Amérique du Sud en novembre 2010. »
Présentation de l’événement :
L’innovation, ça s’apprend!
Open Living Labs et culture en réseau :
Rencontre avec Artur Serra, anthropologue culturel catalan
Laurent Maisonnave, expert marketing Internet, médias sociaux et vidéo Internet, publie un billet d'une grande qualité qui présente l'état des lieux de l'accès à Internet au Canada et au Québec.
Il confronte les arguments du CRTC qui désire passer une règlementation permettant de facturer encore plus la bande passante aux utilisateurs d'Internet.
Quelques extraits :
1. Téléchargement illégal
Les internautes “gros” consommateurs de bande passante feraient uniquement du téléchargement illégal. Dans la réalité, l’internaute moyen préfère utiliser les solutions légales qui sont bien plus pratiques et de meilleure qualité.
Ces dernières années, l’offre a explosé avec iTunes, Netflix, Tou.TV, les magasins en ligne la Xbox et de la PlayStation qui propose autant l’achat et la location de jeux vidéo que de films et d’émission. J’allais oublier les producteurs de WebTV qui n’ont de seul moyen de se faire connaître que de diffuseur leurs réalisations sur Internet.
5. Coût élevé de la bande passante
La nouvelle décision du CRTC devrait imposer un prix de revente au consommateur de 1 à 5 $ par Go de bande passante. Attention, ce n’est pas le prix que les petits fournisseurs payent aux gros fournisseurs – qui n’est que de 3 cents/Go. Si on parle de l’achat en gros de bande passante en Amérique du Nord, le prix descend à 1 cent/Go.
Donc, une compagnie achète un produit 1 cent, le vend 3 cents à une autre compagnie – pour une marge de 300 %, et impose ensuite que le produit soit vendu au consommateur avec une marge de 10 000 %.
Ce qui est incroyable, c’est que le petit fournisseur qui a acheté la bande passante n’a pas le droit de la rendre au prix qu’il le souhaite. C’est comparable au prix imposé du lait, sauf que la brique de lait n’est pas à 50 $.
10. Quel avenir pour l’Internet au Canada
Selon un rapport de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) d’août 2010, le Canada se retrouve à la 28e place sur 30 du classement des prix d’accès à Internet par pays. Le 30e n’étant pas le meilleur.
Aujourd’hui, la décision du CRTC est simple. Soit nous restons dans l’âge de pierre numérique, soit nous créons un environnement propice à la concurrence et à l’innovation. […]
Cette situation va à l'encontre d'une volonté de faire émerger une économie numérique au pays. Et dire que nous n'avons même pas de plan d'action numérique au Québec…
n.b. Bravo Laurent pour ton travail éditorialiste !